Sublimer l’invisible

Pour moi la photographie n’est pas seulement un moyen de capter des paysages ou des instants. C’est une façon de me situer dans le monde contemporain, de poser un regard critique et poétique sur ce qui m’entoure. Mon travail photographique s’apparente à une quête poétique et écologique. Je cherche à révéler ce que nous préférons cacher, rejeter ou ne pas voir. Je tente de sublimer ce qui n’est pas regardable, de faire exister ce que nous voudrions enfouir et faire disparaitre. Ma démarche est à la fois documentaire, écologique et artistique car j’interroge les traces de l’activité humaine et la notion d’accumulation.

Il y a quelques années, mes voyages m’ont permis de multiplier les prises de vues et d’expérimenter des protocoles créatifs. Ces explorations m’ont amenés à m’intéresser à la notion d’accumulation, que je traite avec poésie et engagement, tout en y mêlant différentes influences artistiques, scientifiques, écologiques, spirituelles et personnelles.

Mon travail consiste à sublimer l’ignoré ou à donner une beauté à ce qui ne l’est pas. En révélant la beauté des déchets, j’offre une issue poétique à ce reflet sombre de la société. En photographiant les déchets, je révèle l’absurdité d’un système qui produit toujours plus sans se soucier des conséquences. Mes images sont des traces qui questionnent notre rapport à la consommation et à l’accumulation. La contemplation et le silence sont des notions qui me sont chères et je tente d’attiser ces sentiments dans mes prises de vue.

Je m’inscris dans la lignée d’artistes qui ont questionnés la matière, le rejet, la trace. A travers, le « Ready-made » de Duchamp où je prends un objet banal et que je transforme en œuvre ; l’Arte Povera où le déchet comme matériau pauvre contemporain ; le documentaire où la trace d’une réalité sociale mais avec une dimension poétique écologique. J’actualise ces mouvements à travers le prisme contemporain de l’écologie et de la photographie. Ces images nous obligent à regarder ce que nous préférons ignorer.

Pour moi être artiste, c’est vivre en poète, transformer chaque geste en acte créatif. C’est expérimenter sans cesse, c’est mettre l’art au centre, que ce soit en photographiant, dessinant ou inventant des protocoles absurdes (comme se téléporter en buvant de l’ocomète) et c’est partager des fragments de moi.

Pascal RETE, auteur photographe